« La gestion du pluralisme se pose désormais sur le plan mondial ; elle n'est plus exclusive à nos États », a affirmé Michel Eddé (President honoraire de la Societe de la Legion d'Honneur-Section liban) , au cours d'une conférence au centre Issam Farès, dans laquelle il a défendu le confessionnalisme politique comme un modèle de gestion du pluralisme.
En presence du President de la Legion d'Honneur- Section Liban l'ancien minstre Michel El- Khoury et les anciens ministres: Selim Jraysati, Adel Cortas et Sleiman traboulsi, l'ancien ministre de la Culture a défendu le pluralisme, la reconnaissance de « l'autre dans sa différence » ainsi que son droit à être représenté politiquement, comme un acquis constitutionnel à préserver.
« Le modèle politique libanais basé sur la représentation des communautés est un modèle à proposer, même si c'est la mise en pratique de ce système qui a été mauvaise, a-t-il souligné. Il faut à la fois défendre le confessionnalisme politique et le réformer afin que sa pratique ne le dénature pas. »
Spécificité libanaise
Michel Eddé a commencé par souligner combien la situation des chrétiens du Liban est différente de celle de leurs coreligionnaires vivant comme des minorités dans d'autres pays arabes, « en dépit de l'ancienneté de leur présence, qui était antérieure à l'apparition de l'islam ».
« La présence des chrétiens au Liban repose sur une fondation solide faite d'enracinement et d'ouverture, qui sont l'exact contraire du repli et/ou de la dissolution identitaire, a-t-il dit. Cette spécificité a donné naissance à la formule de coexistence authentique entre chrétiens et musulmans. Une coexistence qui s'est manifestée en dépit de certaines vicissitudes historiques. »
Et l'ancien ministre de la Culture de citer le président du Conseil supérieur chiite disparu Mohammad Mehdi Chamseddine qui, après avoir défendu la démocratie du nombre au Liban, a réalisé que l'abolition du confessionnalisme politique reviendrait à entraîner le Liban dans l'aventure et pourrait conduire à la déstabilisation du Liban et à la dépendance de certaines communautés sur des puissances étrangères.
Étude comparée
M. Eddé a ensuite comparé la présence minoritaire des chrétiens dans les pays arabes à celle des minorités musulmanes dans les pays européens. « La première est antérieure à l'islam, tandis que les communautés musulmanes occidentales sont relativement nouvellement arrivées dans les pays d'accueil », a-t-il dit.
« Toutefois, a-t-il ajouté, cette relative nouvelle présence ne doit pas priver ces musulmans de leur droit à une reconnaissance et à une représentation politique équitable. »
Ainsi, a ajouté l'ancien ministre, « les sociétés européennes ont évolué et ne sont plus homogènes, ni ethniquement ni religieusement, mais elles n'ont toujours pas trouvé de solution à l'intégration des immigrés musulmans ».
Selon lui, ces immigrés sont « rejetés et exclus, alors que ces sociétés se vantent d'être des modèles de démocratie ».
« Dans la société française, la question de l'intégration de 8 millions de musulmans commence donc à prendre une tournure délicate. Ces citoyens français détenteurs de la nationalité française ne jouissent d'aucune présence proportionnelle à leur importance numérique ni dans les administrations, ni dans l'armée, ni dans le nombre de préfets et de provinces », a assuré l'ancien ministre. Et de rappeler que, dès la Première Guerre mondiale, des Algériens et des Sénégalais « ont donné leurs vies pour la France ».
« Toutes les sociétés sont devenues aujourd'hui pluralistes, a conclu M. Eddé, qu'elles soient d'Orient ou d'Occident. Toutes ont des minorités, tantôt musulmanes, tantôt chrétiennes. La démocratie majoritaire dans les sociétés religieusement hétérogènes n'accorde pas à l'autre l'attention et la place qu'il mérite. En vis-à-vis, dans de nombreux pays arabes ou islamiques d'Asie et d'Afrique, les chrétiens sont victimes d'exclusions et de persécution, et sont parfois forcés à choisir entre l'exode ou la mort. La formule politique libanaise et la représentation dans l'appareil politique et administratif de toutes les composantes de la société sont ainsi devenues l'incarnation du dialogue de vie entre le christianisme et l'islam, au service de leur rencontre pacifique et fructueuse dans le monde entier. »